Aedes aegypti est le principal vecteur de plusieurs arbovirus (comme la dengue, le chikungunya et le Zika) responsables de fréquentes épidémies chez l'homme dans les régions tropicales et subtropicales. La gestion de ces épidémies repose sur la lutte antivectorielle, souvent par des pulvérisations d'insecticides ciblant les moustiques femelles adultes. Cependant, la couverture spatiale et la fréquence de pulvérisation optimales restent à déterminer. Dans cette étude, nous décrivons l'impact de la pulvérisation d'insecticides pyréthroïdes à très faible volume (ULV) à l'intérieur des habitations sur les populations de moustiques Aedes aegypti.
Nos résultats montrent que la diminution des populations d'Aedes aegypti au sein des foyers est principalement due aux pulvérisations effectuées dans ces mêmes foyers, sans effet supplémentaire lié aux pulvérisations dans les foyers voisins. L'efficacité des pulvérisations doit être mesurée en fonction du temps écoulé depuis la dernière application, car nous n'avons constaté aucun effet cumulatif des pulvérisations successives. D'après notre modèle, nous estimons que l'efficacité des pulvérisations diminue de 50 % environ 28 jours après l'application.
La diminution de l'abondance d'Aedes aegypti au sein d'un ménage était principalement déterminée par le nombre de jours écoulés depuis la dernière pulvérisation dans ce ménage, soulignant l'importance de la couverture de pulvérisation dans les zones à haut risque, la fréquence de pulvérisation dépendant de la dynamique locale de transmission du virus.
Dans cette étude, nous avons utilisé les données de deux essais de grande envergure menés à Iquitos, en Amazonie péruvienne, portant sur des pulvérisations répétées de pyréthroïdes à très faible volume à l'intérieur des habitations. L'objectif était d'estimer l'impact de ces pulvérisations sur la population de moustiques Aedes aegypti au sein de chaque foyer, au-delà des limites de ce dernier. Des recherches antérieures ont estimé l'effet des traitements à très faible volume selon que les foyers se situaient à l'intérieur ou à l'extérieur d'une zone d'intervention plus vaste. Dans cette étude, nous avons cherché à désagréger les effets des traitements à l'échelle du foyer afin de comprendre la contribution relative des traitements intrafamiliaux par rapport aux traitements effectués dans les foyers voisins. Au fil du temps, nous avons estimé l'effet cumulatif des pulvérisations répétées, comparé à la pulvérisation la plus récente, sur la réduction des populations d'Aedes aegypti dans les élevages de volailles. Ceci nous a permis de déterminer la fréquence de pulvérisation nécessaire et d'évaluer la diminution de l'efficacité des pulvérisations au fil du temps. Cette analyse pourrait contribuer à l'élaboration de stratégies de lutte antivectorielle et fournir des informations pour la paramétrisation de modèles permettant de prédire leur efficacité.
Le critère d'évaluation principal est le nombre total d'adultes d'Aedes aegypti collectés par ménage i et au temps t. Ce nombre est modélisé dans un cadre bayésien multiniveau utilisant une distribution binomiale négative afin de tenir compte de la surdispersion, notamment due au grand nombre d'adultes d'Aedes aegypti non porteurs de la mutation collectés. Compte tenu des différences de localisation et de protocole expérimental entre les deux études, tous les modèles candidats ont été ajustés respectivement aux jeux de données S-2013 et L-2014. Les modèles candidats sont développés selon la forme générale suivante :
a représente l'une quelconque des variables candidates d'un ensemble mesurant l'impact de la pulvérisation sur le ménage i au temps t, comme décrit ci-dessous.
b représente l'une quelconque d'un ensemble de variables candidates mesurant l'impact de la pulvérisation sur les voisins du ménage i au moment t, comme décrit ci-dessous.
Nous avons testé une statistique b simple en calculant la proportion de ménages dans un anneau à une distance donnée du ménage i qui ont été pulvérisés au cours de la semaine précédant t.
où h représente le nombre de ménages dans l'anneau r, et r la distance entre l'anneau et le ménage i. La distance entre les anneaux est attribuée en fonction des facteurs suivants :
Adéquation relative du modèle aux fonctions d'exposition aux pulvérisations intrafamiliales pondérées par le temps. La ligne rouge épaisse représente le modèle le plus adapté, la ligne la plus épaisse représentant le modèle présentant l'ajustement optimal. Les autres lignes épaisses représentent des modèles dont le WAIC n'est pas significativement différent de celui du modèle le plus adapté. La fonction de décroissance BA est appliquée au nombre de jours écoulés depuis la dernière pulvérisation, pour les cinq modèles présentant l'ajustement le plus optimal, selon le classement WAIC moyen des deux expériences.
Le modèle a estimé que l'efficacité de la pulvérisation diminuait de 50 % environ 28 jours après la pulvérisation, tandis que les populations d'Aedes aegypti étaient presque entièrement rétablies environ 50 à 60 jours après la pulvérisation.
Dans cette étude, nous décrivons l'impact des pulvérisations de pyréthrine à très faible volume à l'intérieur des habitations sur les populations d'Aedes aegypti, en fonction de la proximité temporelle et spatiale des pulvérisations. Une meilleure compréhension de la durée et de l'étendue spatiale de cet impact permettra d'identifier les cibles optimales pour la couverture spatiale et la fréquence des pulvérisations nécessaires lors des interventions de lutte antivectorielle, et fournira une base de comparaison pour différentes stratégies potentielles. Nos résultats montrent que la réduction des populations d'Aedes aegypti au sein des ménages est due aux pulvérisations effectuées dans un seul foyer, sans effet supplémentaire lié aux pulvérisations effectuées par les ménages voisins. L'impact des pulvérisations sur les populations d'Aedes aegypti à l'intérieur des habitations dépend principalement du temps écoulé depuis la dernière pulvérisation et diminue progressivement sur 60 jours. Aucune réduction supplémentaire des populations d'Aedes aegypti n'a été observée suite à l'effet cumulatif de plusieurs pulvérisations au sein des ménages. Globalement, la population d'Aedes aegypti a diminué. Le nombre de moustiques Aedes aegypti dans un foyer dépend principalement du temps écoulé depuis la dernière pulvérisation dans ce foyer.
Une limite importante de notre étude réside dans le fait que nous n'avons pas contrôlé l'âge des moustiques Aedes aegypti adultes collectés. Des analyses antérieures de ces expériences [14] ont montré que la distribution d'âge des femelles adultes tendait à être plus jeune (proportion accrue de femelles nullipares) dans la zone de pulvérisation L-2014 par rapport à la zone tampon. Ainsi, bien que nous n'ayons pas constaté d'effet supplémentaire des pulvérisations dans les habitations voisines sur l'abondance d'Aedes aegypti dans une habitation donnée, nous ne pouvons exclure l'existence d'effets régionaux sur la dynamique des populations d'Aedes aegypti dans les zones où les pulvérisations sont fréquentes.
Parmi les autres limites de notre étude figure l'impossibilité de prendre en compte la pulvérisation d'urgence effectuée par le ministère de la Santé, environ deux mois avant la pulvérisation expérimentale L-2014, faute d'informations précises sur son lieu et sa date. Des analyses antérieures ont montré que ces pulvérisations avaient un effet similaire sur l'ensemble de la zone d'étude, établissant un niveau de base commun de densité d'Aedes aegypti ; de fait, au moment du début de la pulvérisation expérimentale, les populations d'Aedes aegypti avaient commencé à se rétablir. Par ailleurs, la différence de résultats entre les deux périodes expérimentales pourrait s'expliquer par des différences de méthodologie et par une sensibilité différente d'Aedes aegypti à la cyperméthrine, la souche S-2013 étant plus sensible que la souche L-2014.
Enfin, nos résultats montrent que les effets de la pulvérisation intérieure se sont limités au foyer où elle a été effectuée, et que la pulvérisation dans les foyers voisins n'a pas permis de réduire davantage les populations d'Aedes aegypti. Les moustiques adultes Aedes aegypti peuvent rester à proximité ou à l'intérieur des maisons, se regroupant dans un rayon de 10 m et parcourant une distance moyenne de 106 m. Ainsi, la pulvérisation de la zone autour d'une maison n'a probablement pas d'impact significatif sur la population d'Aedes aegypti présente dans cette maison. Ceci confirme des résultats antérieurs indiquant que la pulvérisation à l'extérieur ou autour de la maison est sans effet. Cependant, comme mentionné précédemment, des facteurs régionaux peuvent influencer la dynamique des populations d'Aedes aegypti, et notre modèle n'a pas été conçu pour détecter de tels effets.
Nos résultats soulignent l'importance d'atteindre chaque foyer à risque élevé de transmission lors d'une épidémie, car les ménages n'ayant pas bénéficié de pulvérisations récentes ne peuvent compter sur les interventions menées à proximité, ni même sur les interventions antérieures, pour réduire les populations de moustiques. L'inaccessibilité de certaines habitations a toujours entraîné une couverture partielle lors des premières pulvérisations. Des visites répétées dans les foyers non traités peuvent améliorer la couverture, mais l'efficacité diminue à chaque nouvelle tentative et le coût par ménage augmente. Il est donc nécessaire d'améliorer les programmes de lutte antivectorielle en ciblant les zones à risque de transmission de la dengue plus élevé. La transmission de la dengue est hétérogène dans l'espace et le temps, et une évaluation locale des zones à haut risque, prenant en compte les conditions démographiques, environnementales et sociales, doit orienter les efforts de lutte antivectorielle ciblés. D'autres stratégies ciblées, comme l'association de la pulvérisation intradomiciliaire à effet rémanent et du traçage des contacts, ont déjà fait leurs preuves et pourraient être efficaces dans certains contextes. Des modèles mathématiques peuvent également contribuer à sélectionner les stratégies de lutte antivectorielle optimales pour réduire la transmission dans chaque contexte local, sans nécessiter d'essais de terrain coûteux et complexes sur le plan logistique. Nos résultats fournissent une paramétrisation détaillée des effets spatiaux et temporels de la pulvérisation intérieure à très faible volume, ce qui pourrait éclairer les futurs efforts de modélisation mécaniste.
Date de publication : 13 janvier 2025



