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Les pesticides sont courants dans les logements à faible revenu

Les résidents de statut socio-économique inférieur vivant dans des logements sociaux subventionnés par le gouvernement ou des organismes de financement public peuvent être davantage exposés aux pesticides utilisés à l'intérieur, car ces pesticides sont appliqués en raison de défauts structurels, d'un mauvais entretien, etc.
En 2017, 28 pesticides particulaires ont été mesurés dans l'air intérieur de 46 logements de sept immeubles d'habitation sociale à Toronto, au Canada, à l'aide de purificateurs d'air portables utilisés pendant une semaine. Les pesticides analysés appartenaient aux classes suivantes, utilisées traditionnellement et actuellement : organochlorés, composés organophosphorés, pyréthroïdes et strobilurines.
Au moins un pesticide a été détecté dans 89 % des unités, avec des taux de détection (TD) atteignant 50 % pour chaque pesticide, incluant les organochlorés traditionnels et les pesticides actuellement utilisés. Les pyréthroïdes actuellement utilisés présentaient les facteurs de détection (FD) et les concentrations les plus élevés, le pyréthroïde I affichant la concentration particulaire la plus élevée (32 000 pg/m³). L’heptachlore, dont l’utilisation a été restreinte au Canada en 1985, présentait la concentration totale maximale estimée dans l’air (particules et phase gazeuse) la plus élevée (443 000 pg/m³). Les concentrations d’heptachlore, de lindane, d’endosulfan I, de chlorothalonil, d’alléthrine et de perméthrine (sauf dans une étude) étaient supérieures à celles mesurées dans des logements à faible revenu et rapportées ailleurs. Outre l’utilisation intentionnelle de pesticides pour la lutte antiparasitaire et leur utilisation dans les matériaux de construction et les peintures, le tabagisme était significativement associé aux concentrations de cinq pesticides utilisés sur les cultures de tabac. La répartition des pesticides à haut DF dans les bâtiments individuels suggère que les principales sources des pesticides détectés étaient les programmes de lutte antiparasitaire mis en œuvre par les gestionnaires d'immeubles et/ou l'utilisation de pesticides par les occupants.
Les logements sociaux à loyer modéré répondent à un besoin essentiel, mais ces habitations sont vulnérables aux infestations de parasites et dépendent des pesticides pour leur entretien. Nous avons constaté que 89 % des 46 logements testés étaient exposés à au moins un des 28 insecticides particulaires analysés. Les pyréthroïdes actuellement utilisés et les organochlorés interdits depuis longtemps (p. ex., DDT, heptachlore) présentaient les concentrations les plus élevées en raison de leur forte persistance à l’intérieur des bâtiments. Les concentrations de plusieurs pesticides non homologués pour un usage intérieur, tels que les strobilurines utilisées sur les matériaux de construction et les insecticides appliqués aux cultures de tabac, ont également été mesurées. Ces résultats, les premières données canadiennes sur la plupart des pesticides utilisés à l’intérieur des bâtiments, démontrent que la population est largement exposée à nombre d’entre eux.
Les pesticides sont largement utilisés en agriculture pour minimiser les dégâts causés par les ravageurs. En 2018, environ 72 % des pesticides vendus au Canada étaient destinés à l’agriculture, contre seulement 4,5 % dans les habitations [1]. Par conséquent, la plupart des études sur les concentrations et l’exposition aux pesticides se sont concentrées sur le milieu agricole [2,3,4]. Il subsiste ainsi de nombreuses lacunes concernant les profils et les niveaux de pesticides dans les foyers, où ils sont également largement utilisés pour lutter contre les ravageurs. Dans les habitations, une seule application de pesticide à l’intérieur peut libérer jusqu’à 15 mg de produit dans l’environnement [5]. Les pesticides sont utilisés à l’intérieur pour lutter contre des ravageurs tels que les blattes et les punaises de lit. Ils servent également à contrôler les animaux domestiques nuisibles et sont utilisés comme fongicides sur les meubles et les produits de consommation (par exemple, les tapis de laine, les textiles) et les matériaux de construction (par exemple, les peintures murales fongicides, les plaques de plâtre résistantes à la moisissure) [6,7,8,9]. De plus, les actions des occupants (par exemple, fumer à l'intérieur) peuvent entraîner la libération de pesticides utilisés pour la culture du tabac dans les espaces intérieurs [10]. Le transport de pesticides depuis l'extérieur constitue une autre source de libération de pesticides dans les espaces intérieurs [11,12,13].
Outre les travailleurs agricoles et leurs familles, certains groupes sont également vulnérables à l'exposition aux pesticides. Les enfants sont plus exposés à de nombreux contaminants intérieurs, notamment les pesticides, que les adultes, en raison de taux plus élevés d'inhalation, d'ingestion de poussières et de portage des mains à la bouche, proportionnellement à leur poids corporel [14, 15]. Par exemple, Trunnel et al. ont constaté une corrélation positive entre les concentrations de pyréthroïdes/pyréthrines (PYR) dans les lingettes pour sols et les concentrations de métabolites de PYR dans l'urine des enfants [16]. Le facteur de dilution (FD) des métabolites de pesticides PYR rapporté dans l'Étude canadienne des mesures de la santé (ECMS) était plus élevé chez les enfants de 3 à 5 ans que chez les groupes d'âge plus avancés [17]. Les femmes enceintes et leurs fœtus sont également considérés comme un groupe vulnérable en raison du risque d'exposition aux pesticides en début de vie. Wyatt et al. ont rapporté une forte corrélation entre les pesticides dans les échantillons de sang maternel et néonatal, ce qui confirme le transfert materno-fœtal [18].
Les personnes vivant dans des logements insalubres ou à loyer modéré sont exposées à un risque accru de polluants intérieurs, notamment aux pesticides [19, 20, 21]. Au Canada, par exemple, des études ont montré que les personnes de statut socio-économique (SSE) plus faible sont plus susceptibles d'être exposées aux phtalates, aux retardateurs de flamme halogénés, aux plastifiants et retardateurs de flamme organophosphorés, ainsi qu'aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) que les personnes de SSE plus élevé [22, 23, 24]. Certaines de ces observations concernent les personnes vivant dans des logements sociaux, que nous définissons comme des logements locatifs subventionnés par l'État (ou des organismes financés par l'État) et occupés par des résidents de statut socio-économique faible [25]. Les logements sociaux situés dans des immeubles résidentiels collectifs sont sujets aux infestations de nuisibles, principalement en raison de leurs défauts structurels (fissures et crevasses dans les murs, par exemple), du manque d'entretien et de réparations adéquates, de services de nettoyage et d'élimination des déchets insuffisants, et du surpeuplement fréquent [20, 26]. Bien que des programmes de lutte intégrée contre les ravageurs existent pour minimiser le recours à des programmes de désinsectisation et de dératisation dans la gestion des bâtiments et ainsi réduire le risque d'exposition aux pesticides, notamment dans les immeubles collectifs, les ravageurs peuvent se propager dans tout le bâtiment [21, 27, 28]. Cette propagation et l'utilisation de pesticides qui en découle peuvent nuire à la qualité de l'air intérieur et exposer les occupants à des risques d'intoxication, entraînant des effets néfastes sur leur santé [29]. Plusieurs études menées aux États-Unis ont montré que les niveaux d'exposition aux pesticides interdits et actuellement utilisés sont plus élevés dans les logements sociaux que dans les logements de standing, en raison de la mauvaise qualité de ces derniers [11, 26, 30, 31, 32]. Les résidents à faibles revenus ayant souvent peu d'options pour quitter leur domicile, ils peuvent être exposés de manière continue aux pesticides à l'intérieur de leur logement.
Dans les habitations, les occupants peuvent être exposés à de fortes concentrations de pesticides pendant de longues périodes, car les résidus de pesticides persistent en raison du manque de lumière solaire, d'humidité et de processus de dégradation microbienne [33,34,35]. L'exposition aux pesticides a été associée à des effets néfastes sur la santé, tels que des troubles neurodéveloppementaux (notamment un QI verbal plus faible chez les garçons), ainsi que des cancers du sang, des cancers du cerveau (y compris des cancers infantiles), des perturbations endocriniennes et la maladie d'Alzheimer.
En tant que partie à la Convention de Stockholm, le Canada impose des restrictions sur neuf OCP [42, 54]. Une réévaluation des exigences réglementaires au Canada a mené à l’élimination progressive de la quasi-totalité des utilisations intérieures résidentielles des OPP et des carbamates [55]. L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire du Canada (ARLA) restreint également certaines utilisations intérieures des PYR. Par exemple, l’utilisation de la cyperméthrine pour les traitements périmétriques et les pulvérisations à l’intérieur des habitations a été abandonnée en raison de ses effets potentiels sur la santé humaine, particulièrement chez les enfants [56]. La figure 1 présente un résumé de ces restrictions [55, 57, 58].
L'axe des ordonnées représente les pesticides détectés (au-dessus du seuil de détection de la méthode, tableau S6), et l'axe des abscisses représente la gamme de concentrations de pesticides dans l'air, en phase particulaire, au-dessus du seuil de détection. Les fréquences de détection et les concentrations maximales sont détaillées dans le tableau S6.
Nos objectifs étaient de mesurer les concentrations et l’exposition (par exemple, par inhalation) aux pesticides actuellement utilisés et aux pesticides plus anciens dans l’air intérieur des ménages à faible statut socio-économique vivant dans des logements sociaux à Toronto, au Canada, et d’examiner certains des facteurs associés à ces expositions. Le but de cet article est de combler le manque de données sur l’exposition aux pesticides actuels et anciens dans les logements des populations vulnérables, d’autant plus que les données sur les pesticides à l’intérieur des habitations au Canada sont extrêmement limitées [ 6 ].
Les chercheurs ont mesuré les concentrations de pesticides dans sept complexes de logements sociaux de type MURB construits dans les années 1970 sur trois sites de la ville de Toronto. Tous les bâtiments sont situés à au moins 65 km de toute zone agricole (à l'exclusion des jardins privés). Ces bâtiments sont représentatifs du parc de logements sociaux de Toronto. Notre étude prolonge une étude plus vaste portant sur les niveaux de particules fines (PM) dans les logements sociaux avant et après des travaux de rénovation énergétique [59, 60, 61]. Par conséquent, notre stratégie d'échantillonnage s'est limitée à la collecte des PM en suspension dans l'air.
Pour chaque immeuble, des modifications ont été apportées afin de réaliser des économies d'eau et d'énergie (par exemple, le remplacement des systèmes de ventilation, des chaudières et des appareils de chauffage) et ainsi réduire la consommation énergétique, améliorer la qualité de l'air intérieur et accroître le confort thermique [62, 63]. Les appartements sont répartis selon le type d'occupation : personnes âgées, familles et personnes seules. Les caractéristiques et les types de bâtiments sont décrits plus en détail ailleurs [24].
Quarante-six échantillons de filtres à air, prélevés dans 46 logements sociaux MURB durant l'hiver 2017, ont été analysés. Le protocole de l'étude, les procédures de prélèvement et de conservation des échantillons ont été décrits en détail par Wang et al. [60]. Brièvement, chaque logement participant a été équipé pendant une semaine d'un purificateur d'air Amaircare XR-100 doté d'un filtre à particules haute efficacité de 127 mm (le même matériau que celui utilisé dans les filtres HEPA). Tous les purificateurs d'air portables ont été nettoyés avec des lingettes imbibées d'alcool isopropylique avant et après utilisation afin d'éviter toute contamination croisée. Les purificateurs d'air portables ont été placés sur le mur du séjour, à 30 cm du plafond, et/ou selon les indications des résidents, afin de ne pas les gêner et de minimiser les risques d'accès non autorisé (voir les informations supplémentaires SI1, figure S1). Durant la période d'échantillonnage hebdomadaire, le débit médian était de 39,2 m³/jour (voir les informations supplémentaires SI1 pour plus de détails sur les méthodes de mesure du débit). Avant le déploiement des échantillonneurs en janvier et février 2015, une première visite à domicile et une inspection visuelle des caractéristiques des ménages et des comportements des occupants (par exemple, le tabagisme) ont été réalisées. Une enquête de suivi a été menée après chaque visite de 2015 à 2017. Tous les détails sont fournis dans Touchie et al. [64]. Brièvement, l'objectif de l'enquête était d'évaluer les comportements des occupants et les changements potentiels dans les caractéristiques des ménages et les comportements des occupants, tels que le tabagisme, l'utilisation des portes et fenêtres, et l'utilisation des hottes aspirantes ou des ventilateurs de cuisine pendant la cuisson. [59, 64] Après modification, les filtres pour 28 pesticides cibles ont été analysés (l'endosulfan I et II et l'α- et le γ-chlordane ont été considérés comme des composés différents, et le p,p'-DDE était un métabolite du p,p'-DDT, et non un pesticide), incluant des pesticides anciens et modernes (Tableau S1).
Wang et al. [60] ont décrit en détail le procédé d'extraction et de purification. Chaque échantillon de filtre a été divisé en deux, une moitié servant à l'analyse de 28 pesticides (Tableau S1). Les échantillons de filtre et les blancs de laboratoire étaient constitués de filtres en fibre de verre (un pour cinq échantillons, soit neuf au total), enrichis avec six analogues de pesticides marqués (Tableau S2, Chromatographic Specialties Inc.) afin de contrôler le taux de récupération. Les concentrations des pesticides cibles ont également été mesurées dans cinq blancs de terrain. Chaque échantillon de filtre a été soumis à trois cycles de sonication de 20 min chacun avec 10 mL d'un mélange hexane/acétone/dichlorométhane (2:1:1, v/v/v) (qualité HPLC, Fisher Scientific). Les surnageants des trois extractions ont été regroupés et concentrés à 1 mL dans un évaporateur Zymark Turbovap sous flux constant d'azote. L'extrait a été purifié sur colonnes SPE Florisil® (tubes Florisil® Superclean ENVI-Florisil SPE, Supelco), puis concentré à 0,5 mL à l'aide d'un évaporateur Zymark Turbovap et transféré dans un flacon ambré pour chromatographie en phase gazeuse (CPG). Du Mirex (AccuStandard®) (100 ng, Tableau S2) a ensuite été ajouté comme étalon interne. Les analyses ont été réalisées par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM, Agilent 7890B GC et Agilent 5977A MSD) en modes d'ionisation par impact électronique et par ionisation chimique. Les paramètres instrumentaux sont présentés dans le document SI4 et les informations quantitatives sur les ions sont fournies dans les tableaux S3 et S4.
Avant l'extraction, des analogues de pesticides marqués ont été ajoutés aux échantillons et aux blancs (tableau S2) afin de contrôler leur récupération lors de l'analyse. Les taux de récupération des composés marqueurs dans les échantillons variaient de 62 % à 83 % ; tous les résultats relatifs à chaque substance chimique ont été corrigés en fonction de la récupération. Les données ont été corrigées du blanc à l'aide des valeurs moyennes des blancs de laboratoire et de terrain pour chaque pesticide (valeurs indiquées dans le tableau S5), selon les critères décrits par Saini et al. [65] : lorsque la concentration du blanc était inférieure à 5 % de la concentration de l'échantillon, aucune correction n'a été appliquée ; lorsque la concentration du blanc était comprise entre 5 et 35 %, les données ont été corrigées ; si la concentration du blanc était supérieure à 35 % de la valeur, les données ont été écartées. La limite de détection de la méthode (LDM, tableau S6) a été définie comme la concentration moyenne du blanc de laboratoire (n = 9) plus trois fois l'écart-type. Si un composé n'était pas détecté dans le blanc, le rapport signal/bruit du composé dans la solution étalon la moins concentrée (environ 10:1) était utilisé pour calculer la limite de détection de l'instrument. Les concentrations dans les échantillons de laboratoire et de terrain étaient
La masse chimique sur le filtre à air est convertie en concentration intégrée de particules en suspension dans l'air à l'aide d'une analyse gravimétrique, et le débit du filtre et l'efficacité du filtre sont convertis en concentration intégrée de particules en suspension dans l'air selon l'équation 1 :
où M (g) représente la masse totale de PM capturées par le filtre, f (pg/g) la concentration du polluant dans les PM collectées, η l'efficacité du filtre (supposée égale à 100 % compte tenu du matériau filtrant et de la taille des particules [67]), Q (m³/h) le débit d'air volumique traversant le purificateur d'air portable et t (h) la durée d'utilisation. Le poids du filtre a été enregistré avant et après utilisation. Les détails complets des mesures et des débits d'air sont fournis par Wang et al. [60].
La méthode d'échantillonnage utilisée dans cette étude a permis de mesurer uniquement la concentration de la phase particulaire. Nous avons estimé les concentrations équivalentes de pesticides en phase gazeuse à l'aide de l'équation de Harner-Biedelman (équation 2), en supposant un équilibre chimique entre les phases [68]. L'équation 2 a été établie pour les particules en suspension à l'extérieur, mais elle a également été utilisée pour estimer la distribution des particules dans l'air et dans les environnements intérieurs [69, 70].
où log Kp représente la transformation logarithmique du coefficient de partage particules-gaz dans l'air, log Koa la transformation logarithmique du coefficient de partage octanol/air, Koa (sans dimension), et \({fom}\) la fraction de matière organique dans les particules (sans dimension). La valeur de fom est fixée à 0,4 [71, 72]. La valeur de Koa provient d'OPERA 2.6, obtenue à partir du tableau de bord de surveillance chimique CompTox (EPA des États-Unis, 2023) (Figure S2), car elle présente les estimations les moins biaisées par rapport aux autres méthodes d'estimation [73]. Nous avons également obtenu des valeurs expérimentales des estimations de Koa et de Kowwin/HENRYWIN à l'aide d'EPISuite [74].
Étant donné que le DF pour tous les pesticides détectés était ≤50%, les valeursLes pesticides détectés dans les 46 échantillons appartenaient aux classes des organochlorés (OCP), des organophosphorés (OPP), du pyréthrinoïdes (PYR), des strobilurines (STR) et de la pendiméthaline. Au total, 24 des 28 pesticides cibles ont été détectés, soit au moins un pesticide dans 89 % des échantillons. Le pourcentage de contamination (DF%) variait de 0 à 50 % pour les OCP, de 11 à 24 % pour les OPP, de 7 à 48 % pour les PYR, de 7 à 22 % pour les STR, était de 22 % pour l'imidaclopride, de 15 % pour le propiconazole et de 41 % pour la pendiméthaline (voir tableau S6). Certaines différences observées dans le DF% des pesticides couramment utilisés peuvent s'expliquer par leur présence dans des produits contenant le pesticide comme ingrédient actif. Sur 2 367 produits ménagers homologués pour une utilisation au Canada (définis comme des produits en vente libre achetés pour un usage personnel dans et autour des zones résidentielles), la pyréthrine I (DF = 48 %) et la perméthrine (DF = 44 %) ont été détectées respectivement dans 367 et 340 produits, tandis que la pralothrine (DF = 6,5 %) n’a été détectée que dans trois produits.[75]
La figure S3 et les tableaux S6 et S8 présentent les valeurs Koa issues d'OPERA, la concentration en phase particulaire (filtre) de chaque groupe de pesticides, ainsi que les concentrations calculées en phase gazeuse et totales. Les concentrations en phase gazeuse et la somme maximale des pesticides détectés pour chaque groupe chimique (Σ8OCP, Σ3OPP, Σ8PYR et Σ3STR), obtenues à partir des valeurs Koa expérimentales et calculées avec EPISuite, sont fournies respectivement dans les tableaux S7 et S8. Nous présentons les concentrations mesurées en phase particulaire et comparons les concentrations totales dans l'air calculées ici (à partir des estimations d'OPERA) avec les concentrations issues d'un nombre limité de rapports non agricoles sur les concentrations de pesticides dans l'air et de plusieurs études menées auprès de ménages à faible statut socio-économique [26, 31, 76, 77, 78] (tableau S9). Il est important de noter que cette comparaison est approximative en raison des différences de méthodes d'échantillonnage et des années d'étude. À notre connaissance, les données présentées ici sont les premières à mesurer les pesticides autres que les organochlorés traditionnels dans l'air intérieur au Canada.
En phase particulaire, la concentration maximale détectée de Σ8OCP était de 4 400 pg/m³ (tableau S8). L’OCP présentant la concentration la plus élevée était l’heptachlore (dont l’utilisation est restreinte depuis 1985), avec une concentration maximale de 2 600 pg/m³, suivi du p,p′-DDT (également restreint en 1985), avec une concentration maximale de 1 400 pg/m³ [57]. Le chlorothalonil, dont la concentration maximale est de 1 200 pg/m³, est un pesticide antibactérien et antifongique utilisé dans les peintures. Bien que son homologation pour une utilisation en intérieur ait été suspendue en 2011, son facteur de dilution (DF) reste à 50 % [55]. Les valeurs relativement élevées du DF et les concentrations des OCP traditionnels indiquent que ces composés ont été largement utilisés par le passé et qu’ils persistent dans les environnements intérieurs [6].
Des études antérieures ont montré une corrélation positive entre l'âge du bâtiment et les concentrations d'OCP anciens [6, 79]. Traditionnellement, les OCP sont utilisés pour lutter contre les nuisibles en intérieur, notamment le lindane pour le traitement des poux de tête, une maladie plus fréquente dans les ménages à faible statut socio-économique [80, 81]. La concentration maximale de lindane mesurée était de 990 pg/m³.
Pour les particules totales et la phase gazeuse, l'heptachlore présentait la concentration la plus élevée, avec une concentration maximale de 443 000 pg/m3. Les concentrations atmosphériques totales maximales de Σ8OCP estimées à partir des valeurs Koa dans d'autres gammes sont répertoriées dans le tableau S8. Les concentrations d'heptachlore, de lindane, de chlorothalonil et d'endosulfan I étaient de 2 (chlorothalonil) à 11 (endosulfan I) fois supérieures à celles trouvées dans d'autres études menées il y a 30 ans dans des environnements résidentiels à revenus élevés et faibles aux États-Unis et en France [77, 82, 83, 84].
La concentration particulaire totale la plus élevée des trois organophosphorés (Σ3OPP) – malathion, trichlorfon et diazinon – était de 3 600 pg/m³. Parmi ceux-ci, seul le malathion est actuellement homologué pour un usage résidentiel au Canada.[55] Le trichlorfon présentait la concentration particulaire la plus élevée de la catégorie des organophosphorés, avec un maximum de 3 600 pg/m³. Au Canada, le trichlorfon est utilisé comme pesticide technique dans d’autres produits antiparasitaires, notamment pour lutter contre les mouches et les blattes non résistantes.[55] Le malathion est homologué comme rodenticide pour un usage résidentiel, avec une concentration maximale de 2 800 pg/m³.
La concentration totale maximale de Σ3OPP (gaz + particules) dans l'air est de 77 000 pg/m³ (60 000 à 200 000 pg/m³ selon la valeur Koa EPISuite). Les concentrations d'OPP dans l'air sont plus faibles (DF 11 à 24 %) que celles d'OCP (DF 0 à 50 %), ce qui est très probablement dû à la plus grande persistance des OCP [85].
Les concentrations de diazinon et de malathion rapportées ici sont supérieures à celles mesurées il y a environ 20 ans dans des ménages à faible statut socio-économique du sud du Texas et de Boston (où seules les concentrations de diazinon avaient été relevées) [26, 78]. Les concentrations de diazinon que nous avons mesurées sont inférieures à celles rapportées dans des études menées auprès de ménages à statut socio-économique faible et moyen à New York et en Californie du Nord (nous n'avons pas trouvé de données plus récentes dans la littérature) [76, 77].
Les pyréthrinoïdes (PYR) sont les pesticides les plus couramment utilisés pour lutter contre les punaises de lit dans de nombreux pays, mais peu d’études ont mesuré leurs concentrations dans l’air intérieur [86, 87]. C’est la première fois que des données sur les concentrations de PYR dans l’air intérieur sont rapportées au Canada.
En phase particulaire, la valeur maximale de \(\,{\sum }_{8}{PYRs}\) est de 36 000 pg/m³. La pyréthrine I était le pesticide le plus fréquemment détecté (DF% = 48), avec la valeur la plus élevée (32 000 pg/m³). Le pyréthroïde I est homologué au Canada pour la lutte contre les punaises de lit, les blattes, les insectes volants et les parasites des animaux domestiques [55, 88]. De plus, la pyréthrine I est considérée comme un traitement de première intention contre la pédiculose au Canada [89]. Étant donné que les personnes vivant dans des logements sociaux sont plus susceptibles aux infestations de punaises de lit et de poux [80, 81], nous nous attendions à une concentration élevée de pyréthrine I. À notre connaissance, une seule étude a rapporté les concentrations de pyréthrine I dans l’air intérieur des habitations, et aucune ne l’a rapporté dans les logements sociaux. Les concentrations que nous avons observées étaient supérieures à celles rapportées dans la littérature [90].
Les concentrations d'alléthrine étaient également relativement élevées, la deuxième concentration la plus importante étant celle de la phase particulaire (16 000 pg/m³), suivie de la perméthrine (concentration maximale de 14 000 pg/m³). L'alléthrine et la perméthrine sont largement utilisées dans la construction résidentielle. À l'instar de la pyréthrine I, la perméthrine est utilisée au Canada pour traiter les poux de tête [89]. La concentration la plus élevée de L-cyhalothrine détectée était de 6 000 pg/m³. Bien que la L-cyhalothrine ne soit pas homologuée pour un usage domestique au Canada, elle est approuvée pour un usage commercial afin de protéger le bois contre les fourmis charpentières [55, 91].
La concentration totale maximale de \({\sum }_{8}{PYRs}\) dans l'air était de 740 000 pg/m³ (110 000–270 000 pg/m³ selon la valeur de Koa EPISuite). Les concentrations d'alléthrine et de perméthrine mesurées ici (maximum de 406 000 pg/m³ et 14 500 pg/m³, respectivement) étaient supérieures à celles rapportées dans des études sur la qualité de l'air intérieur réalisées dans des logements de ménages à faible statut socio-économique [26, 77, 78]. Cependant, Wyatt et al. ont rapporté des niveaux de perméthrine plus élevés dans l'air intérieur de logements de ménages à faible statut socio-économique à New York (12 fois plus élevés) [76]. Les concentrations de perméthrine que nous avons mesurées variaient de la valeur minimale à une valeur maximale de 5 300 pg/m³.
Bien que les biocides STR ne soient pas homologués pour un usage résidentiel au Canada, ils peuvent être utilisés dans certains matériaux de construction, comme les revêtements extérieurs résistants aux moisissures [75, 93]. Nous avons mesuré des concentrations relativement faibles en phase particulaire, avec une concentration maximale de \({\sum }_{3}{STR}\) de 1 200 pg/m³ et des concentrations totales dans l’air de \({\sum }_{3}{STR}\) atteignant 1 300 pg/m³. Les concentrations de STR dans l’air intérieur n’avaient pas été mesurées auparavant.
L'imidaclopride est un insecticide néonicotinoïde homologué au Canada pour la lutte contre les insectes nuisibles aux animaux domestiques.[55] La concentration maximale d'imidaclopride dans la phase particulaire était de 930 pg/m3 et la concentration maximale dans l'air ambiant était de 34 000 pg/m3.
Le fongicide propiconazole est homologué au Canada pour être utilisé comme agent de préservation du bois dans les matériaux de construction.[55] La concentration maximale que nous avons mesurée dans la phase particulaire était de 1100 pg/m3 et la concentration maximale dans l'air ambiant a été estimée à 2200 pg/m3.
La pendiméthaline est un pesticide de la famille des dinitroanilines dont la concentration maximale en phase particulaire est de 4 400 pg/m³ et la concentration maximale totale dans l’air de 9 100 pg/m³. La pendiméthaline n’est pas homologuée pour un usage résidentiel au Canada, mais une source d’exposition possible est le tabagisme, comme indiqué ci-dessous.
De nombreux pesticides étaient corrélés entre eux (Tableau S10). Comme prévu, le p,p′-DDT et le p,p′-DDE présentaient des corrélations significatives, le p,p′-DDE étant un métabolite du p,p′-DDT. De même, l’endosulfan I et l’endosulfan II présentaient également une corrélation significative, car ce sont deux diastéréoisomères présents simultanément dans l’endosulfan technique. Le rapport des deux diastéréoisomères (endosulfan I : endosulfan II) varie de 2:1 à 7:3 selon le mélange technique [94]. Dans notre étude, ce rapport était compris entre 1:1 et 2:1.
Nous avons ensuite recherché des cooccurrences pouvant indiquer une utilisation conjointe de pesticides et l'emploi de plusieurs pesticides dans un même produit (voir le graphique des points de rupture dans la figure S4). Par exemple, une cooccurrence pourrait résulter de l'association des principes actifs avec d'autres pesticides ayant des modes d'action différents, comme un mélange de pyriproxyfène et de tétraméthrine. Nous avons observé une corrélation (p < 0,01) et une cooccurrence (6 unités) de ces pesticides (figure S4 et tableau S10), cohérentes avec leur formulation combinée [75]. Des corrélations significatives (p < 0,01) et des cooccurrences ont été observées entre les organochlorés (OCP) tels que le p,p′-DDT et le lindane (5 unités) et l'heptachlore (6 unités), suggérant une utilisation prolongée ou une application conjointe avant l'introduction des restrictions. Aucune coprésence d'autres pesticides organophosphorés (OFP) n'a été observée, à l'exception du diazinon et du malathion, détectés à 2 unités.
Le taux élevé de cooccurrence (8 unités) observé entre le pyriproxyfène, l'imidaclopride et la perméthrine pourrait s'expliquer par l'utilisation de ces trois pesticides actifs dans des produits insecticides destinés à lutter contre les tiques, les poux et les puces chez le chien [95]. De plus, des taux de cooccurrence d'imidaclopride et de L-cyperméthrine (4 unités), de propargyltrine (4 unités) et de pyréthrine I (9 unités) ont également été observés. À notre connaissance, aucune publication ne fait état de la cooccurrence d'imidaclopride avec la L-cyperméthrine, la propargyltrine et la pyréthrine I au Canada. Cependant, des pesticides homologués dans d'autres pays contiennent des mélanges d'imidaclopride avec la L-cyperméthrine et la propargyltrine [96, 97]. Par ailleurs, nous n'avons connaissance d'aucun produit contenant un mélange de pyréthrine I et d'imidaclopride. L'utilisation conjointe de ces deux insecticides pourrait expliquer leur présence simultanée, car ils servent tous deux à lutter contre les punaises de lit, fréquentes dans les logements sociaux [86, 98]. Nous avons constaté une corrélation significative entre la perméthrine et la pyréthrine I (16 unités, p < 0,01), qui présentaient le plus grand nombre de co-occurrences, suggérant une utilisation associée. Ce constat était également valable pour la pyréthrine I et l'alléthrine (7 unités, p < 0,05), tandis que la corrélation entre la perméthrine et l'alléthrine était plus faible (5 unités, p < 0,05) [75]. La pendiméthaline, la perméthrine et le thiophanate-méthyl, utilisés sur les cultures de tabac, ont également montré une corrélation et une co-occurrence à neuf unités. D'autres corrélations et co-occurrences ont été observées entre des pesticides pour lesquels aucune co-formulation n'a été rapportée, comme la perméthrine avec les STR (azoxystrobine, fluoxastrobine et trifloxystrobine).
La culture et la transformation du tabac dépendent fortement des pesticides. Les niveaux de pesticides dans le tabac diminuent lors de la récolte, du séchage et de la fabrication du produit final. Cependant, des résidus de pesticides persistent dans les feuilles de tabac[99]. De plus, les feuilles de tabac peuvent être traitées aux pesticides après la récolte[100]. Par conséquent, des pesticides ont été détectés à la fois dans les feuilles de tabac et dans la fumée.
En Ontario, plus de la moitié des 12 plus grands immeubles de logements sociaux n'ont pas de politique antitabac, exposant ainsi les résidents au risque de tabagisme passif.[101] Les immeubles de logements sociaux du MURB étudiés n'avaient pas de politique antitabac. Nous avons interrogé les résidents pour obtenir des renseignements sur leurs habitudes tabagiques et effectué des visites à domicile afin de détecter tout signe de tabagisme.[59, 64] À l'hiver 2017, 30 % des résidents (14 sur 46) fumaient.


Date de publication : 6 février 2025